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SweetCath

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  • Ma douce catharsis c'est: me laisser saisir par l'Art, le théâtre, la musique, le ciel, les couleurs, les goûts, les odeurs... Être heurtée, chamboulée, énervée, séduite. Aimer ça. L'écrire. "Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous mêmes." P
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9 mai 2023

La dimension écologique du shintoïsme à l'oeuvre dans Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki

 

Résumé du film 

 

L'histoire commence dans le clan Emishi, au Japon à l'ère Muromashi (XVème siècle). Le village est attaqué par un sanglier maudit venant de contrées lointaines, seul Ashitaka – le dernier des princes du peuple Emishi - parvient à mettre fin à la menace au prix de sa vie touchée par la souillure du dieu sanglier qu'il vient de tuer. Exclu par son peuple selon la tradition, il part vers l'ouest « porter sur le monde un regard sans haine », seul remède à la malédiction qui le touche, avec comme seul indice une « pierre de fer » trouvée dans les entrailles de l'animal.

Sur son chemin, il rencontre plusieurs clans dont la communauté marginale dirigée par dame Eboshi dans laquelle des prostituées et des vachers travaillent le fer afin de se rendre indépendants. Elle lui confie son plus intime secret en lui montrant un atelier où des lépreux dont elle prend soin fabriquent des arquebuses afin de combattre les esprits de la forêt qui l’empêchent d'exploiter les minerais. C'est alors la révélation quant à la provenance de la pierre de fer à l'origine de la haine du dieu sanglier. Ashitaka comprend que la haine du dieu s'est transformée en malédiction (1) à cause des hommes d' Eboshi qui détruisent son territoire. 

C'est alors que le village voit l'arrivée de la princesse Mononoké (2), fille-louve élevée par les dieux loups du clan Moro. Celle-ci vient défendre la forêt et tuer dame Eboshi, Ashitaka (3) est déjà amoureux d'elle et tente de l'en empêcher. Mais la princesse est blessée, il part avec elle pour la ramener dans son clan.

S'ensuivent de nombreux combats entre les dieux de la forêt (4) et les hommes qui défendent chacun leurs intérêts ou leur survie. Les uns veulent les ressources de la forêt et les autres mettent fin à l'exploitation et à la déforestation. Une guerre sans fin commence jusqu'à ce que dame Eboshi parvienne à son but ultime : couper la tête du dieu de la forêt afin de prouver à l'empereur son indépendance et son pouvoir. Cet acte entraîne une scène apocalyptique dans laquelle le dieu, devenu une immense matière visqueuse (5), tue tout organisme vivant sur son chemin à la recherche de sa tête. Dans un dernier combat la princesse Mononoké et Ashitaka reprennent la tête aux hommes pour la rendre au dieu, qui dans un espoir ressuscite pour aussitôt mourir alors que le soleil se lève et le transperce. Il meurt dans une violente tempête qui dès son accalmie laisse derrière elle des prairies à perte de vue (6). Ashitaka et la princesse se réveillent, ils sont tous deux guéris. N'ayant pas pardonné leurs actes aux hommes, Mononoké ne se laissera pas vivre son amour pour Ashitaka. Quant à Eboshi, elle raconte comment elle a été sauvée par Ashitaka et annonce un nouveau mode de fonctionnement pour le village (7)

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1- Voir illustration 3 du Dieu sanglier Nago maudit.

2- Cf ill. 4

3- Cf ill. 5

4- Cf ill. 1

5- Cf ill. 6

6- Cf ill. 7

7- Un résumé fidèle et détaillé est disponible ici : http://www.buta-connection.net/films/mononoke_histoire.php

 

 

Le cinéma d'animation japonais et plus particulièrement l'œuvre de Hayao Miyazaki est remarquable pour sa réflexion sur les questions écologiques. La nature est toujours le décor principal de chacun de ses récits et si elle n'est pas un acteur à part entière, elle se fait voir à chaque instant. Ainsi retrouve-t-on dans les films du réalisateur des topoï tels que l'amour, l'échange, l'écoute, tous rattachés à la nature, sous le signe du respect évident qu'implique la position écologique. Mais si ce thème est central ce n'est sans doute pas sans lien avec le culte de son réalisateur, qui s'inspire grandement du shintoïsme pour chacun de ses scriptes et principalement pour Princesse Mononoké. Nature et Culture sont sur un terrain commun, fait devenu fréquent dans le cinéma occidental qui use des contextes écologiques actuels afin d'opposer les deux concepts. C'est en cette particularité même d'envisager la culture comme découlant de la nature, que Miyazaki dévoile une sensibilité - typiquement japonaise, si l'on puis dire – aux situations éthologiques en jeu dans le film.

Si bien que l'on peut se demander comment le shintoïsme réussit ce coup de force consistant à marier Nature et Culture, le second découlant du premier. L'oeuvre de Miyazaki témoigne de la relation de l'homme à la nature sans omettre de tenir la position inverse. Il dévoile en déployant un regard sans jugement des faits mais aussi la route vers un autre mode de relation au monde. 

Le grand livre du Shintoïsme, le Kojiki (8) comprend un vocabulaire sacré sur lequel il est intéressant de se pencher. Son illustration dans l'oeuvre de Miyazaki possède cela de prégnant qu'elle affirme leur dimension écologique notamment grâce à l'animisme. (9) On peut alors noter les forces que déploie la nature contre l'homme et vice-versa, ce qui met en scène une forme d'éthologie (10) au centre de la fiction: partant des hommes qui offensent les kamis (11) par leur tsumi (12), engageant la réaction en chaîne de l'arami-tama (13), du kegare (14) et du tatari (15).

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8- Traduit par « Chronique de faits anciens », comprend le récit des mythes traditionnels, pour la plupart animistes. En ce sens, il est plus aisé à nos yeux de le comparer à la mythologie grecque plutôt qu'à l'ancien testament qui construit une religion autour de l'homme plus que sur le vivant – qu'il soit animal, végétal, minéral ou même climatique dans le shintoïsme.

9- L'animisme qui est la croyance en une force vitale, animant les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels est particulièrement en vogue aujourd'hui chez les personnes participatives du mouvement écologiste.

10- Nous entendons ici par éthologie, la succession de causes et d'effets engendrés par un duel entre l'Homme et la nature.

11- Les kamis sont les dieux du shintoïsme, il peut s'agir d'éléments naturels tels que la montagne ou une cascade, mais aussi d'animaux. Tout comme la nature, ils sont incontrôlables et c'est pour cela qu'il faut tenter d'apaiser leur « esprit de violence » par des rituels.

12- Que l'on traduit à l'origine par « mauvaise action» est un terme qui désigne une entorse à la moralité ou à l'éthique religieuse du Shinto qui fait obstacle à l'illumination, au salut.

13- L'arami-tama est « l'esprit de violence » que possède chaque kami (dieu) et qu'il faut apaiser par des rituels dans le culte shinto.

14- « kegare » dans les textes sacrés du shintoïsme signifie « la souillure ». Le « tatari » ou malédiction peut s'abattre sur l'homme qui aurait fait un « tsumi » (mauvaise action)  mais aussi au contact  du sang et excréments d'un être maudit ou encore de la mort, ce qui est le cas du jeune Ashitaka.

15- On a voulu donner à cette notion, aussi archaïque sans doute que le concept même de kami, une valeur morale en en faisant un châtiment, une malédiction (les dictionnaires bilingues donnent généralement ces traductions), infligés par le Dieu à l'auteur d'une faute.

 

 

« La nature agit, l'homme fait » (16)

 

Le premier terme remarquable du culte shintoïste en jeu dans la fiction est le kami. Principal, car il signifie Dieu. On le retrouve d'ailleurs la plupart du temps au pluriel car cette religion est polythéiste. Le shintoïsme étant un culte mythologique et animiste, ses dieux sont généralement des animaux, des végétaux ou encore des éléments. Dans l'oeuvre de Miyazaki il n'en est pas tout à fait autrement, les dieux invoqués sont sous la coupe d'un premier plus important qu'est le dieu de la forêt, élan aux bois majestueusement imposants et au visage quasi humain (17). Il rassemble les caractéristiques physiques du faune : humain, animal, végétal ainsi que minéral. Ainsi on peut le considérer comme un le personnage représentant la Nature dans sa totalité (18). Ajoutons à cela qu'il est le protagoniste hybride par excellence car la nuit tombée, il se transforme en géant translucide (19) – que l'on appelle « le faiseur de montagnes » – auquel on prête le pouvoir de vie et de mort sur les habitants de la forêt. Celui-ci est autrement plus intéressant que malgré sa part humaine, il est le seul à ne pas parler, paradoxe et/ou ambiguïté entre le vivant et non-vivant, inerte : l'esprit de la forêt symbolise la métamorphose du vivant, hybridation entre l'animal, le minéral et le végétal qui va de paire avec l'animisme. Le réalisateur entretient ce dernier écart pour tous ses personnages, tout comme il ménage une tension chez chacun entre le bien et le mal, ce que nous verrons par ailleurs. Le dieu de la forêt est une métonymie de la forêt elle-même puisqu'il veille sur la végétation et sur tous ses habitants, il en est le cœur. Dans cette protection, il est soutenu par les autres dieux vivant dans les bois, c'est le cas des loups du clan de la déesse Moro, mère adoptive de Mononoké. Puis, le clan des dieux orangs-outans qui chaque nuit, replantent les arbres abattus par les hommes. Enfin, les dieux sangliers, fils du dieu Nago qui maudit le jeune Ashitaka au début de la fiction à cause de la haine que lui procure un plomb tiré dans ses entrailles par des hommes désireux d'investir la forêt. 

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16- Kant dans Opus Postumum. Si la nature agit, d' « agere », alors elle est constante, ordonnée et présente une valeur morale, alors que « faire » auquel est rattaché l'homme provenant de « facere », évoquerait un acte instantané qui pourrait varier au coup par coup selon les circonstances. Verbe transitif, il possède un COD : il produit un objet pour satisfaire un besoin, dimension d'avidité qui convient à la situation du récit de Miyazaki.

17- Voir l'illustration 1

18- Totalité, qui n'est pas sans nous rappeler Pan qui signifie « le tout »

19- Cf ill. 2

 

 

Les kamis sont avec les hommes, les acteurs principaux de Princesse Mononoké, tout comme dans le culte shintoïste et dans la religion en général. Ainsi, la foi implique-t-elle un va-et-vient entre le dieu invoqué et le croyant. Ce premier étant aux sources du monde, tout événement est la conséquence de son bon vouloir, qu'il exerce parfois à cause d'une action de l'homme. Si le shintoïsme nous permet de faire un lien avec la question écologique, c'est d'abord parce que c'est une religion polythéiste qui met en jeu plusieurs forces mais aussi car les dieux sont toujours des éléments du monde : ils sont le vent, la montagne, le loup, le soleil, etc. Dans Princesse Mononoké, l'homme se montre dans son jour le plus noir alors qu'il vit l'ère du progrès : il ne cherche qu'à piller les ressources de la forêt, les minerais et autres denrées, oubliant que chaque élément possède d'une part un dieu pour le protéger, qu'ainsi il s'expose à la malédiction mais – et c'est cette dimension sous-jacente de l'oeuvre qui est puissante  –  aussi qu'il a besoin de laisser la forêt en vie pour survivre. C'est ce dernier aspect qui est fascinant de force dans le shintoïsme et dans l'oeuvre de Miyazaki : les dieux sont au monde, autant que les hommes, rien ne les séparent les uns des autres sauf peut-être l'absence de dialogue, d'échange, en somme de respect réciproque. Bien sûr, dans le culte on vénère les dieux dans des processions mais cela a pour cause le caractère inattendu et puissant de la nature. Quoi qu'il en soit, cette dimension du culte n'apparaît pas même dans la fiction, si ce n'est dans le mythique peuple des Emishi, dont provient Ashitaka, où l'on respecte et craint encore les dieux (20). Par ailleurs, qu'il s'agisse des samouraï ou bien de la tribu de dame Eboshi, la forêt n'est plus une entité sacrée et le « défi » final d'Eboshi le prouve bien : si elle parvient à décapiter le dieu de la forêt et à ramener sa tête à l'empereur, elle prouvera que son peuple est politiquement et économiquement indépendant. On comprend que le progrès et le statut politique ont pris le dessus sur toute écoute entre l'homme et son environnement et que ce dernier n'est plus qu'un moyen pour une fin, un bien qu'il s'agit d'exploiter. 

Le peuple de dame Eboshi, ébloui par un potentiel pouvoir, n'éprouve aucun regret au sujet de ses mauvaises actions, tsumi, alors même qu'il oublie que celles-ci, même si elles ne sont pas effectives instantanément auront nécessairement une retombée. Eboshi est une figure ambiguë puisque d'une part elle trouve le seul moyen d'abattre un dieu en créant des arquebuses - et en cela consiste sa part néfaste – mais fonde à la fois une communauté redonnant une place aux exclus de la société : vachers, prostituées et même lépreux. De fait, user des ressources de la forêt fait vivre les plus faibles. Miyazaki tend à nous sortir d'une pensée manichéenne en montrant qu'il n'y a pas de bons et de méchants mais que les relations, plus complexes, reposent en fait sur une écoute et un échange qui a disparu et qui changerait tout,  silence dans lequel chacun défend ses intérêts alors qu'il ne serait pas question d'intérêts si seulement tous vivaient ensemble.

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20- Peuple que les autres protagonistes élèvent comme mythe le pensait disparu depuis des générations. Il s'agit donc d'un peuple minoritaire et traditionnel que l'ère de la fiction, entrée dans la modernité, ne connaît visiblement plus.

 

 

« Là où règne la violence, il n'est de recours que dans la violence ; là où se trouvent les hommes, seuls les hommes peuvent porter secours.» (21)

 

Aux mauvaises actions des hommes, jamais on ne vit les dieux  répondre pacifiquement. Ils ripostent toujours en usant du même mode que lui, par une violence décuplée. Dans le shintoïsme, les dieux portent en eux l'arami-tama, une profonde colère enfouie qui se réveille quand les hommes cèdent à leurs tsumi (mauvaise action). 

La violence est donc une conséquence, le résultat pragmatique du plomb tiré par l'un de ceux de dame Eboshi sur Nago le dieu Sanglier. Et si l'on comprend en quoi cet acte peut animer la violence, Miyazaki nous propose de sonder la nature profonde de ce geste. L'arme à feu est une production de l'homme, qui dans la narration n'est pas un outil de défense - elle ne l'est que dans un second temps. Lorsque dame Eboshi dévoile son secret à Ashitaka en lui expliquant fièrement que ses lépreux expérimentent une nouvelle arme, elle ne songe pas à se défendre avec cela, mais à attaquer. C'est son désir de pouvoir qui l'anime, pouvoir qui se traduit de plusieurs façons : c'est d'une part la main mise sur les ressources de la forêt afin d’accéder à une puissance politique symbolique, mais aussi la possibilité de tuer les dieux de la forêt qui la défendent, puisque seule cette nouvelle arme en est capable. Nago reçoit une balle de plomb, et c'est ainsi que se libère son arami-tama, il est frappé par la violence de l'homme - si avide de tout pouvoir  – qu'il ne voit plus la vie en l'animal, en la forêt, et la supprime froidement. Le dieu ivre de colère ne souhaite que la vengeance et celle-ci le prend jusqu'à le maudire. C'est pourquoi Nago sort de sa forêt et s'aventure hors de ses terres pour détruire tous les villages sur son chemin, jusqu'à tomber sur le peuple Emishi où finalement, un homme voit en lui la souffrance : Ashitaka est touché par le kegare du sanglier alors qu'il lui porte son coup final. La souillure mortelle qui lui est infligée est le sceau de la vengeance du dieu, qui pensait qu'en ôtant la vie à un homme, il rendrait le combat plus juste et que la conquête de l'homme se verrait avortée. Cet avertissement n'aurait fait que relancer une guerre déjà trop entamée par le clan Eboshi si il avait touché l'un des siens. En cela, le tatari porté sur l'héritier d'un peuple en perdition – Ashitaka – encourage une toute autre réaction : il faut mettre fin à la violence, commencer à « porter sur le monde une regard sans haine ». Il n'est que l'homme pour rétablir l'équilibre qu'il a anéanti. 

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21- Extrait de Sainte Jeanne des Abattoirs de Bertolt Brecht. Peuple que les autres protagonistes élèvent comme mythe le pensaint disparu depuis des générations. Il s'agit donc d'un peuple minoritaire et traditionnel que l'ère de la fiction, entrée dans la modernité, ne connaît visiblement plus.

 

 

« La non-violence, sous sa forme active, consiste en une bienveillance envers tout ce qui existe. C'est l'amour pur.» (22)

 

S'il existe en effet un antidote à cette haine, capable de redonner aux relations entre l'homme et la nature un équilibre, c'est bien l'amour. Ce thème est présent dans divers points de la fiction, d'abord par la relation entre la princesse et Ashitaka, puis dans celle de cette première avec la mère louve et enfin entre dame Eboshi et son peuple. 

Les sentiments qui unissent les deux héros sont fondés sur l'échange et le respect de l'altérité, qui symbolisent l'union nécessaire entre l'homme et la nature. Cette relation expose l'ambiguité de leurs rapports, entre attraction et répulsion, puisque la fin du film montre que cet amour ne sera jamais consommé. La princesse élevée par les loups ne peut pardonner à l'homme son attitude ce qui l'empêche de vivre sa passion avec Ashitaka. Mais loin du fatalisme, il est appréciable de constater combien le réalisateur prend garde à ne pas tomber dans le registre « fleur bleue » au profit de son message véritable : les deux protagonistes parviennent à ouvrir leur cœur l'un à l'autre sans partager les mêmes convictions ni le même monde. C'est dans un respect hors norme qu'ils acceptent leurs différences et le choix qu'elles impliquent, ce qui est totalement apposable aux rapports que devraient entretenir la nature et l'homme. 

Le lien qui unit la princesse avec sa mère louve est du même ordre. Elle l'aime autant que si elle était sa propre fille et le lui prouve à de nombreuses reprises, la première fois en acceptant de laisser Ashitaka sauf, mais aussi plus tard en lui proposant de partir vivre à ses côtés. Dans cet élan elle illustre son amour, son respect pour ce qu'elle est : humaine appartenant malgré tout à ses semblables. A la fin du film, Moro qui est mourante réserve ses dernières forces pour sauver Mononoké d'Okkotonushi, dieu maudit qui est en train de la tuer. Il ne fait nul doute que l'amour se montre ici comme la plus puissante ressource face à la violence. 

Reste enfin l'amour que porte dame Eboshi à son peuple. Elle redonne la dignité aux personnes rejetées par le système féodal japonais, prostituées et vachers occupent enfin une place dans une société marginale. Force de cœur qui est dépeinte par l'utopie d'une femme à construire une société où chacun pourrait vivre dans la sécurité et la prospérité. Elle reste enfin la seule à accueillir les lépreux rejetés de tous afin de les soigner et de leur donner une tâche. Bien que son geste finisse en désastre, on ne peut ignorer la compassion dont elle fait preuve. 

La plus belle preuve d'amour énoncée par le récit reste enfin celle que la nature fait à l'homme. Malgré le combat, la violence et la mort, l'esprit de la forêt meurt en donnant aux hommes une nouvelle chance : celle de préserver une nature naissante, à sa place. C'est bien la fin d'une ère, néanmoins l'esprit de la nature ne disparaîtra jamais entièrement puisque dans ce « happy-end » l'homme l'entend finalement et prend sa relève. 

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22-  Citation de Gandhi, dont la religion (hindouiste) rejoint le shintoïsme en plusieurs principes que sont : la compassion, la non-violence et l'éthique de réciprocité (particulièrement intéressante dans notre cas).

 

 

Hayao Miyazaki dans cette œuvre, réussit à évoquer des questions primordiales sans tomber dans la démagogie inhérente à l'écologie. C'est grâce aux dogmes du shintoïsme, symboliques et allégoriques qu'il renouvelle le sujet sans pour autant oublier une valeur qui atteint toujours l'intériorité d'un homme encore sauvage sur certains points : l'amour. Mais c'est en sortant d'une vision manichéenne qu'opère sa force majeure, il n'y a ni bien ni mal mais seulement des êtres vivants - ou si ce n'est pas le cas leur « esprit » – qui n'évoluent pas toujours ensemble, oubliant d'écouter l'autre. Il s'agit aussi simplement que possible de dire que l'homme, en s'émancipant, oublie une dimension essentielle de sa vie: la communauté dans laquelle il doit inclure la nature, l'autre vital. 

Princesse Mononoké peut ainsi être vu comme une immense tragédie en tant qu'histoire d'un changement. Miyazaki nous fait le récit d'une ère confuse et révolue, durant laquelle l'homme a dépassé une limite de trop et qui, ce faisant, brise un équilibre qu'il devra pourtant réinventer.

 

 

Images 



Dieu cerf ou Esprit de la forêt

 

Le dieu-cerf qui se transforme en « faiseur de montagne » au coucher du soleil

 

Malédiction du dieu Nago qui se caractérise par cet esprit qui prend la forme de vers et le ronge de l'intérieur

 

La Princesse Mononoke

 

Ashitaka, héros du clan Emishi, que l'on voit apaiser la marque du Tatari mortel que lui a transmis Nago par Kegare

 

L'esprit de la forêt s'est fait coupé la tête par Eboshi, la forêt meurt

 

 

Bibliographie 

 

Sur le film 

Résumé et lecture du film :

http://www.buta-connection.net/films/mononoke.php

Fiche Wikipédia :     

http://fr.wikipedia.org/wiki/Princesse_Mononok%C3%A9

Résumé :    

http://www.oomu.org/mh.html

 

Documentation annexe 

Shintoïsme : 

http://www.1000questions.net/fr/religions/religions2.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Shinto%C3%AFsme

Alliance of Religion and Conservation :

http://www.arcworld.org/faiths.asp?pageID=74

Sur la nature japonaise :

France Culture, extrait radiophonique « Les japonais et la nature » : http://www.franceculture.fr/emission-concordance-des-temps-les-japonais-et-la-nature-2011-07-09.html

 Persée « Le Japon, le sentiment de la nature et la géographie » :      http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/spgeo_0046-2497_1987_num_16_4_4285

 

Ouvrage de référence

Le monde des êtres vivants, une théorie écologique de l'évolution – Kinji Imanishi, éd. Collection Domaine sauvage.

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19 juin 2012

On va s'occuper de vous.


Je m'occupe de vous personnellement – Yves-Noël Genod 

 


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Yves-Noël Genod s'occupe de vous en personne: dès l'entrée du théâtre pour vous prendre la main, vous saluer et vous mener jusqu'au plateau. Laissez-vous guider par le metteur en scène, il vous tendra alors des cartes qu'il vous faudra tirer : un tirage sous l'égide de la chance, délivrant des citations, des œuvres d'arts et que sais-je encore. Il faut y aller chaque soir pour le savoir.

« fais les pièces comme ça te vient. »

Sur fond de Casta Diva par la Callas, le ton est donné par Virginia Woolf, et c'est ainsi que commence la rêverie théâtrale promise par ce dramaturge à l'allure de magicien.

 

Hors-cadre, hors-champ : théâtre soulagé


Le théâtre est un rond-point qui organise la circulation, ordonne le flux ; Yves-Noël Genod un prestidigitateur capable de montrer dans un même mouvement les codes dramaticaux et leur délicieux dépassement. La scène est sans limites. Alors, le jeu saisit toutes les aires: dehors et dedans n'existent plus, le corps découpe des scènes dans l'espace à chacun de ses pas. Impossible de se débarrasser du metteur en scène, tantôt dans le hall du théâtre, tantôt assis à vos côtés. Cependant on se demande si ce faisant, Yves-Noël Genod ne délivre pas le théâtre de cette figure parfois pesante. La présence d'un plateau n'a de sens qu'en tant qu'objet de sa propre mise en abîme : le monde est une scène qui les contient toutes. L'acteur est tel un enfant qui ne pose aucune limite au jeu, toute chose créé une rêverie, déroule un imaginaire, le fil d'une histoire. Cet ouverture à chaque possible n'est pas sans rajeunir chacun et si l'on rit, c'est bien dans le souvenir de cette audace, cet entrain que l'on n'a que trop perdu. Rien d'étonnant alors dans le fait de recouvrir le sol d'eau pour nager un crawl, d'ouvrir une fenêtre pour s'adresser aux passants. Que chaque lieu soit scène, que chaque chose soit accessoire, même le sapin absent que l'on décore, que tout le monde soit acteur : abolir les règles, émanciper. Où le théâtre commence et où finit-il, qu'est-ce qui sépare encore le spectateur de l'acteur? La question ne se pose même plus, Genod dépasse cela, il suffit de lâcher prise pour profiter de cette délicate catharsis. En ce sens, ils nous confessent, nous instruisent, nous transmettent, dans une énergie proche de la performance – et les passages d'improvisations ne manquent certainement pas : n'est-ce pas cela le renouvellement des arts vivants ? Dans ce jardin théâtral poussent des plantes aux mille vertus, la scène est un croisement où s'entre choquent l'hortus conclusus et un terrain sans limite, celui de toute rêverie, de toute possibilité. Ce que Genod a bien compris c'est que ce mixe de la scène, plus que de nous faire accepter notre monde, l’adoucis : purge les esprits et les corps.

 


Quand le jardin d'Eden se fait purgatoire


Plateau quasi nu dont le seul linge est de verdure, un nombre considérable de plantes aux qualités médicinales -un herbier en somme, dont Yves-Noël Genod nous énumère les espèces. C'est à la fois l'Eden qui baigne dans la lumière des deux fenêtres ouvertes côté jardin, caressées par un léger courant d'air et dans lequel un homme nu fait sa toilette; mais pourtant, cette nature empotée se fait aussi bosquet érigé par la main de l'homme : jardin profane. Alors on les arrose, on les taille sur scène. La flore se donne dans une dimension de purgatoire car s'en est fait de la nature toute puissante et indomptable, la plante sur scène constitue une passerelle, un continuum entre la vie et le théâtre. Non seulement la nature s'invite sur scène, mais c'est aussi le cas de la faune : une poule, un oiseau participent eux aussi de cette représentation en abyme de la vie ; ainsi« Ce qu'on maintenait autrefois hors de l'enclos, le sauvage, la mauvaise herbe, pénètre aujourd'hui le théâtre » dit Genod. Ainsi, même en sachant que le plateau possède cette capacité à mettre la vie au carré, on sort surpris de l'allègement prodigué par cette expérience, le voyage a été effectué en douceur. Toutefois, ce n'est pas sans prévenir, nous n'y avons peut-être pas cru en entrant, mais Yves-Noël Genod s'est occupé de nous et personnellement. Il nous a concocté un filtre capable d'apaiser les plus grandes violences de la vie. Aussi appuie-t-il toujours là où ça fait mal : l'amour, le désamour, la mort, l'envie de mort, l'ignorance et le besoin de reconnaissance, l'envie de se sentir être, etc. Chaque plaie de la vie est triturée, cependant on en sort que plus serein. Douce abréaction. Ce n'est pas qu'un jeu : ils nous font entrer en état de rêverie et cela pour mieux nous implanter dans le monde tel qu'il est. Rien n'est faux ici, c'est bien la vie telle qu'elle sait l'être et pour nous la faire accepter, quoi de mieux que le théâtre ? L'art de la scène remplie ainsi sa tâche la plus précieuse, celle de nous aider à démêler les nœuds de l'existence ou au moins à la traverser.


Je m'occupe de vous personnellement, mise en scène :Yves-Noël Genod, Théâtre du Rond-Point, 19h, jusqu'au 24 juin (dimanche : 15h30). Avec : Valérie Dréville, Marlène Saldana, Alexandre Styker, Dominique Uber, Lorenzo de Angelis, Yves‑Noël Genod.




19 mai 2012

Paradise – 4 photographies de Thomas Struth: Paradoxe photographique de l'Eden - Triennale d'art contemporain/Palais de Tokyo

 

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* Paradise 1 - Pilgrim Sands, Daintree – Australia, 1998. Courtesy of Marian Goodman Gallery, New-York. 232,7 x 185 cm

 

 

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 * Paradise 24 - Sao Francisco de Xavier – Brazil, 2001. Courtesy of Marian Goodman Gallery, New-York. 218,5 x 279 cm

 

  

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* Paradise 27 - Madre de Dios – Peru, 2005. Courtesy of M.G Gallery, New-York.184 x 237,5 cm

  

 

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* Paradise 30 - Rio Madre de dios – Peru, 2005. Courtesy of M.G Gallery New-York. 230 x 287,5 cm

 

 

 

Le Palais de Tokyo accueille 300 artistes du 20 avril au 26 août, à l'occasion de la Triennale d'Art Contemporain. Evènement remarquable pour la scène contemporaine durant lequel tous médiums confondus s'exposent. L'occasion aussi de fêter la réouverture de ce grand navire à large potentiel et de mettre en avant l'art africain contemporain et autres ethnies fascinantes, sous l'égide de Claude Lévi-Strauss.

Zoom sur l'oeuvre de Thomas Struth, un de ces nombreux artistes à découvrir.

 

Thomas Struth, très célèbre pour ses photographies de spectateurs dans les musées fut élève de l'illustre couple de photographes Bernd et Illa Becher, ainsi que de Gerhard Richter en peinture. Né en 1954 à Geldern (Allemagne), l'artiste témoigne au travers de son travail de sa douleur à porter l'Histoire de sa nation. C'est dans une quête du savoir vivre malgré elle qu'il investit le champs de l'art photographique. La série Paradise qu'il réalise sur plusieurs années, compte aujourd'hui trente-six pièces: un medley de jungles «allover», en grands formats argentiques couleurs. La collection succède à plusieurs périodes marquantes par leur différence: de la photographie de villes-fantômes en noir et blanc aux portraits de familles couleurs, puis de la captation dans les musées aux jungles vierges. Chemin tortueux entre présence et absence humaine, route spirituelle vers la complétude, ce travail est tout aussi bien une méditation sur l'humanité.

Mais si Paradise évoque le lieu serein de la libération de l'âme ou bien celui des origines, pourquoi et comment le photographe joue-t-il sur le paradoxe paradisiaque en exposant ses vues saturées, inaccessibles voire étouffantes. Voyons de plus près ses jungles plates où temps et mouvement ne sont plus, creusons notre sillon dans l'impénétrabilité plastique à la recherche du paradis perdu.

 

 

La jungle plastique:

 

«Ravivant, deux fois ravivant.

: le presque pas tout près vu de plus près que tout en fait défait.»*

 

 

Au regard de ces quatre photographies, nous sommes poussés à nous questionner sur l'esthétique imaginaire de la jungle: à quoi ressemble-t-elle? L'entité de cette image pré-supposée est certainement telle que nous la présente Thomas Struth: plus que la densité végétale, des couleurs chatoyantes, la diversité, l'immensité. Les nuances de verts sont autant nombreuses que le nombre d'espèces. Même lorsque la jungle se décompose, les teintes de la vie et de la mort proposent un vaste panel de coloris tirant du vert au doré. Or, proposer un tel aperçu de la forêt ne manque pas de lui donner un aspect plastique évident. Il ne s'agit pas de photographies documentaires mais bien d'une proposition artistique. Nous avançons l'idée qu'il s'agit de photographies subjectives moins que scientifiques -ce que l'on serait tenté de faire dès lors qu'on photographie une plante- en ce sens que l'image n'est pas représentative d'une réalité objective. Ce qui nous est proposé est bien une interprétation du paradis et non l'image de la jungle.

En contemplant ces grands formats, c'est donc tout d'abord le coloris qui attire le regard et participe de l'aspect plastique et spectaculaire des œuvres. Mais en approchant le monumental panneau, l'effet prend de l'ampleur en absorbant entièrement le spectateur. Ainsi recouvert, enfermé dans cette jungle, il découvre la netteté de la mise au point désireuse de montrer chacun des détails de cette réelle tapisserie végétale. Est-ce bien l'image d'une nature existante? Il en devient difficile de l'affirmer tant l'harmonie générale entre couleurs et équilibre suggère un agencement. Dès lors qu'on s'émancipe de cette vue jusqu'à retrouver le bord de l'oeuvre, c'est l'évidence: le point de vue du photographe est sur-élevé, d'où cette sensation d'immersion et de flottement du spectateur. Nous sommes littéralement plongés dans la verdure à l'état brut mais pour autant, tout semble orchestré.

La proposition de l'artiste est alors mise en branle par la contemplation du sujet; ce n'est finalement pas une forêt vierge dans son état le plus naturel qui lui est donné de voir, mais bien un paradis, une nature belle pour l'oeil humain, bien loin de certaines forêts tropicales dont l'esthétique n'est pas si exotique. G.F. Hegel parle de l'Enscheinung - l'éclat- alors qu'il observe les brillances au sein des oeuvres. Il s'agit de voir les reflets comme révélateurs du regard subjectif porté sur celles-ci. En ce sens, l'oeuvre n'a d'existence que dans l'oeil de son spectateur et l'éclat en témoigne. Les lumières, reflets et lueurs sont très présents et la luminosité de ces photographies est si prégnante que nous ne pouvons plus nous détacher du médium qu'est le photographe. Ces captations sont imprégnées d'humanité: nous partageons le regard d'un homme.

 

 

Planéité et suspension:

 

 «Concentration plate, jungle reposée, liquide (…)

Jungle plate, à feuilles, à écran depuis un bout, maigre départ

: flou pas fini»

 

 

Prenons d'abord l'extravagance du format exposé: l'œuvre s'érige devant nous et l'on se lance à l'aventure dans un premier temps, comme pour contempler un « panorama ». La suggestion, l'invitation, se fait déjà à distance alors que nous déambulons dans le lieu d'exposition. C'est une œuvre en ce sens, avenante. Mais dès lors que le spectateur accepte le voyage, le regard se heurte à la surface, la pénétration devient impossible et pourtant, l’absorption est à son comble. Des questions surgissent et les réponses ne manquent pas, car ses allover n'ont aucune profondeur: ce sont des jungles plates. Où le regard pourrait-il bien se poser alors que le photographe ne lui offre ni point pour fuir et aucun horizon pour poser ses pieds? De plus, aucun chemin ne se présente pour accueillir l'observateur, l'espace saturé remonte à la surface.

Vient donc l'angoisse, la claustrophobie. Les yeux papillonnent et ne peuvent se concentrer sur une image globale, l'espace n'est plus que surface et le regard est totalement perdu ; on suffoque, on cherche la sortie, on recule, submergés d'émotions de toutes sortes. Et quand bien même le photographe propose une parcelle débroussaillée pour nous laisser pénétrer, ou bien l'esquisse d'un chemin, celui-ci ne mène à rien et nous sommes piégés, entourés par cette jungle sauvage qui nous encercle et qui s'apprête à bondir. Quel est donc ce paradis qui nous tend les bras pour mieux nous laisser à la porte? Ces images nous embrassent : nous absorbement, la jungle tentaculaire aspire la vie – l'homme est happé par les profondeurs de cette prédatrice - et se montrent hostiles au même moment: le Paradis est pavé de mauvaises intentions.

Paradoxalement, ces «non-espaces» nous suggèrent un certain repos. C'est tout l'équilibre entre l'abolition de l'espace et la suppression du temps. Ce vide de l'image suggère un dialogue intérieur et devient propice à la méditation. Mais cependant, il est un constat qui relance le paradoxe: Pas de vent, pas de mouvement, pas de vie? Dans un imaginaire communément admis et certainement aussi dans la réalité, la jungle grouille d’animaux, mais ici on penserait presque contempler une jungle en plastique tant le tout est fixé, fixé dans l'éternité paradisiaque? Car si Paradis il y a, il serait alors impérissable, éventuellement plastifié. Seulement, dans l'Eden selon Thomas Struth, aucun Homme ne se montre, tout comme dans ses photographies de villes. Alors que la quête de l'artiste se confond avec celle de l'humanité, il se pourrait bien que cette œuvre de maturité ait trouvé l'homme où l'on ne le cherchait pas.

 

 

À la recherche du Paradis perdu:

 

«Tout se passe dehors, au-delà de pas là»

 

 

Être né en 54, en Allemagne, devenir artiste, n'est pas sans conséquences et Thomas Struth se heurte depuis le commencement à cette épreuve. Être allemand, c'est ne pas avoir le choix de porter l'inhumanité, c'est tenter de faire un deuil impossible, c'est être d'une descendance qu'on ne peut oublier. Il commence à créer dans cet état d'esprit, en se détachant du monde, captant les rues de Berlin marquées par les architectures qui ont tout vu, taillées dans un noir et blanc, sans personne dans les rues. Et l'oeuvre de maturité fait justement écho à l'oeuvre de jeunesse puisqu'entre les deux il photographie des familles, des proches, toujours des gens qu'il a connu et qu'avec Paradise, il revient au silence, à l'absence.

Mais cette fois, c'est le tout dans le rien qu'il saisit, une multitude de forêts qui nous offrent l'essence même de la jungle. Tout est dépeuplé mais remplis d'humanité pour autant car cette fois, au contraire de ses villes, Struth fait briller sa subjectivité dans les branches et c'est l'âme qui vibre. Ce n'est d'ailleurs plus la jungle, mais bien le Paradis. Il semble d'abord que cette série soit symptomatique de la nostalgie d'un Paradis perdu. L'artiste nous propose de méditer au regard de ses photographies, sur nos origines et sur notre devenir. Si message il y a, ce n'est probablement pas celui de l'utopie ou de l'espoir à toute épreuve, mais -conformément aux paradoxes de ses Paradis- un propos qui démontre les obstacles en travers de la route menant à l'Eden. Dans l'épreuve de cette intense proximité, l'artiste entre-ouvre une fenêtre donnant sur les cieux. Se laisser happer, se heurter contre la surface, se perdre dans la jungle pour mieux se retrouver: n'est-ce pas là une définition du choc esthétique. L'oeuvre constitue ainsi une longue métaphore sur la vie et la mort.

Thomas Struth a probablement trouvé son Paradis dans ce condensé de forêts vierges: ne laissant plus de place à l'histoire/Histoire, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Il atteint ainsi son absolu et parvient un instant à libérer l'âme de son attache à la mémoire douloureuse.

 

 

Pour plus d'infos:

 Documentation sur internet:

-http://findarticles.com/p/articles/mi_m0268/is_9_40/ai_86647178/ propos de l'artiste sur la série Paradise.

-http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Struth

-http://www.latriennale.org/fr/artistes/thomas-struth présentation du Palais de Tokyo

 Documentation papier sur l'artiste:

  • -Art Now, édition Taschen.

    -Qu'est-ce que la photographie aujourd'hui, édition Beaux-Arts.

  • Sur la jungle:

     -Exposition Yanomami, l'Esprit de la forêt – Fondation Cartier pour l'art contemporain.

    -Jean-Patrice Courtois Les Jungles plates, édition Nous, recueil de poésie.

  • Ecrits théoriques:

-Céline Flécheux, L'Horizon: des traités de perspective au Land Art, édition PUR.

-G.W.F Hegel, Esthétique tome II, Le livre de poche.

-Michael Fried, Why photography matters as art as never before, Yale University press.

 

 

*Les citations sont extraites de Les Jungles Plates: «Mobiles»; de Jean-Patrice Courtois, Ed. Nous 2010.

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